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Mobiliser et Fidéliser la ressource humaine dans un contexte de crise, quels impacts sur le devenir de la GRH dans le secteur industriel marocain : cas de la SOMACA ?

lundi 23 mars 2009
Article posté par

Mohamed SEMMAE
Etudiant chercheur
Ecole nationale de commerce et de gestion de Tanger - Maroc
msemmae@gmail.com

Ses autres articles :
De la gestion des risques à la gestion des risques financiers

Encadré par
Said BALHADJ
Enseignant chercheur et consultant RH
Ecole nationale de commerce et de gestion de Tanger - Maroc
sbalhadj@yahoo.fr

Résumé :

Actuellement, la fonction ressources humaines est devenue une fonction clé qui acquiert une importance d’ordre stratégique pour l’entreprise. D’autant plus, le capital humain constitue un avantage concurrentiel majeur, et est, de ce fait, une ressource stratégique pour l’entreprise (Ulrich, 1991 ; Pfeffer, 1994). Les ressources humaines ne sont donc ni une donnée, ni une variable d’ajustement mais un levier stratégique pour atteindre les objectifs de la firme (Ulrich, 1991 ; Becker & Huselid, 2001).

Cette importance demeure stratégique et irréversible pour l’entreprise afin de contrecarrer les effets systémiques de la crise financière qui traverse tout le monde et qui pèsent lourdement sur leur performance sociale.

L’objectif de cet article est de mettre en relief le concept de fidélisation des ressources humaines sous la lumière des nouvelles variables de l’environnement et des mutations qui imposent une remise en cause radicale du paradigme de la gestion des ressources humaines basé sur la stabilité et la sécurité d’emploi pour céder la place à un autre qui reconnaît l’employabilité, la flexibilité et l’apprentissage.
Ensuite, on va entamer la problématique de la fidélisation des ressources humaines au Maroc et son impact sur le devenir de la GRH dans l’ère de l’ouverture économique du pays et la pénurie des compétences.
Finalement, nous analyserons le cas de la société SOMACA, filiale de Renault au Maroc, à travers son système GRH mis en œuvre et son impact sur la fidélisation de ses ressources humaines.

Mots clés :
Gestion des ressources humaines, fidélisation, secteur automobile, Maroc, crise internationale.

Abstract :

Currently, the human resources function has become a key function which acquires a strategic importance for the company. Moreover, human capital constitutes a major competitive advantage, and is, therefore, a strategic resource for the company (Ulrich, 1991 ; Pfeffer, 1994). Human resources are therefore neither given nor a variable adjustment, but as a strategic lever to achieve the objectives of the firm (Ulrich, 1991 ; Becker & Huselid, 2001).

This importance is irreversible and strategic for the company to counteract the effects of the systemic financial crisis across the world and weigh heavily on the social climate.
The aim of this article is to highlight the concept of loyalty human resources in the light of new variables in the environment and changes that require a radical questioning of the paradigm of human resources management based on stability and job security to one that recognizes the employability, flexibility and learning.

Then we will begin the issue of retention of human resources in Morocco and its impact on the future of human resources management (HRM) in the era of economic openness of the country and the shortage of skills.

Finally, we will analyze the case of SOMACA company, a subsidiary of Renault in Morocco, through its HRM system implemented and its impact on the loyalty of its human resources.

Keywords :
Human resources management, morocco, loyalty, automotive industry, international crisis

Introduction :

Actuellement, le monde traverse une phase assez déterminante qui risque de bouleverser toutes les pratiques managériales et changer le paradigme dominant le management et les modes d’organisation.
Autrement dit, les entreprises se trouvent dans l’obligation de reconfigurer leurs formes d’organisation pour répondre aux exigences et faire face aux défis d’ordre technologique, économique et institutionnel (Lung, 2001).

L’industrie automobile, à l’instar des autres industries, est confrontée à ces défis qui constituent un enjeu majeur.

L’industrie automobile a été à l’origine des paradigmes organisationnels ou modèles productifs (taylorisme, toyotisme, fordisme, ...) qui ont transformé à la fois les pratiques concurrentielles et les formes d’organisation productives (Chanaron, Lung, 1999).

Un tel contexte met en évidence la nécessaire réactivité des formes d’organisation notamment de nature productive dans un régime d’innovation permanente où des nouvelles connaissances doivent être produites en mobilisant et en combinant des compétences diversifiées (Winter, 1987). Cet apprentissage organisationnel dépend de la capacité de l’entreprise à attirer et mobiliser un capital humain compétent et motivé.
La ressource humaine et sa fidélisation demeurent alors un choix stratégique et une source indéniable de création de valeur qui permet de placer l’homme et son potentiel créatif au centre de toutes les préoccupations managériales et organisationnelles d’une entreprise. La nouvelle réalité implique l’entreprise dans une logique basée sur une vision dynamique de gestion de ses RH en raison des contraintes majeures imposées par son environnement, il s’agit de la multiplication des crises à l’international notamment la dernière crise financière qui se trouve au centre des préoccupations managériales des dirigeants en raison de son impact néfaste sur leurs entreprises et la cohésion sociale en interne ainsi que l’intensification de la guerre des talents qui s’explique par la rareté des profils de compétences exigées capables de relever les défis auxquels les entreprises doivent faire face et l’attitude des nouvelles générations des salariés qui possèdent une capacité grandissante d’employabilité et d’un mode de vie extrêmement différent des générations passées, et l’importance de la motivation des salariés pour sa performance.

L’ouverture de l’économie marocaine à son environnement international intensifie l’ampleur de cette guerre et renforce les inquiétudes des entreprises envers le futur de leurs collaborateurs les plus précieux. Le secteur automobile marocain ne fait pas l’exception de cet état d’inquiétudes envers la pénurie des ressources humaines.

Depuis la création de la SOMACA au Maroc, le secteur automobile a connu un développement notable concrétisé notamment par l’importance des créations d’emploi, le volume des investissements, etc. Ce constat sera renforcé par le contrat signé par le Maroc avec l’alliance Renault Nissan qui va assurer annuellement une production de 200 000 véhicules à la zone Melloussa à Tanger à l’horizon de 2010.

Cette dynamique de secteur automobile marocain nous incite à nous interroger sur la capacité de ses entreprises à attirer, fidéliser et mobiliser des collaborateurs compétents afin d’atténuer les effets de la turbulence de l’environnement sur la structure sociale des entreprises et leur dynamique humaine.

Pour répondre à cette problématique de taille, il nous paraît d’ordre crucial de mettre en revue un certain nombre d’éléments afin de mener à bien notre travail.
Il s’agit notamment de mettre l’accent sur la problématique de la fidélisation et mobilisation des collaborateurs sous la lumière des mutations actuelles de l’environnement de l’entreprise qui nécessite une remise en cause du paradigme de la gestion des ressources humaines basé sur le statu quo et la stabilité d’emploi pour céder la place à l’employabilité, l’apprentissage et la précarité des emplois et par conséquent une nouvelle génération des salariés et des entreprises ; ensuite nous proposerons d’étudier les pratiques actuelles en matière de la GRH dans les entreprises industrielles marocaines et en particulier celles de secteur automobile et leur efficacité en matière de fidélisation et finalement nous mettrons l’accent sur l’expérience de la société SOMACA en matière de fidélisation et mobilisation des ressources humaines à travers l’étude de son système de gestion des ressources humaines.

Le concept de fidélisation des RH : vers des nouvelles approches de définition ?

Dans un contexte régi par l’incertitude et la turbulence, La notion de la fidélisation des ressources acquiert une importance considérable tant sur le plan académique que professionnel. Ainsi, au fil du temps ce concept a évolué considérablement en relation avec l’entreprise et son environnement c’est la raison pour laquelle nous sommes invité à penser sérieusement à une remise en cause radicale du paradigme de la gestion des ressources humaines afin de nous pencher sur les meilleures pratiques favorisant la fidélisation des RH et leur mobilisation dans l’ère de la multiplicité des crises économiques et de changement des équilibres organisationnels engendrant ainsi une modification de la relation employeur-collaborateur.

Certains auteurs soulignent que la fidélisation des ressources humaines est une nécessité imposée par l’incertitude de l’environnement de l’entreprise et le rôle central du capital savoir et savoir-faire capitalisés par les collaborateurs de l’entreprise dans la performance de l’entreprise.

A cet égard, J. M. Perreti souligne que les meilleures pratiques ressources humaines favorisant la fidélisation doivent répondre à cinq logiques :

La personnalisation : cela se traduit par un système de GRH personnalisé à chaque collaborateur sur le plan rémunération, gestion des carrières, formation et évaluation. A ce propos, il s’agit de mettre en œuvre des PPP (projet personnel professionnel), des PIF (plan individuel de formation), des BPP (bilan professionnel personnalisé).

L’adaptation : afin d’assurer la fidélisation de ses collaborateurs les plus précieux et répondre aux nouvelles exigences des ressources humaines, l’entreprise doit s’adapter en recherchant une flexibilité dans cinq directions : flexibilité quantitative externe (contrats à durée déterminée, intérim, ...), flexibilité quantitative interne (heures supplémentaires, chômage partiel, ...), flexibilité qualitative fonctionnelle (mobilité, polyvalence, ...), externalisation (sous-traitance interne et externe, ...), flexibilité salariale (intéressement, rémunération individuelle, ...).

La mobilisation : elle repose d’une part sur l’implication de la hiérarchie et sa capacité à motiver les collaborateurs et, d’autre part, sur la capacité et sa volonté à déployer son énergie au service de son entreprise. Ce-ci implique trois conséquences : l’amélioration continue, l’alignement stratégique et la coordination spontanée du salarié (Wils et al., 1998).

Le partage : la fonction RH s’éclate en devenant une fonction partagée et transversale au sein de l’entreprise.

L’anticipation : la complexité de l’environnement et la guerre des talents impliquent une démarche anticipatrice favorisant les adaptations aux événements imprévus.
Les cinq logiques font émerger un certain nombre de notions clés à la fidélisation notamment : le concept de l’organisation apprenante, l’implication et l’aspect systémique complexe de la GRH.

La fidélisation des RH et l’organisation apprenante :

L’organisation apprenante est « celle dont les membres peuvent sans cesse développer leurs capacités à atteindre les résultats qu’ils recherchent, où des nouveaux modes de pensée sont mis au point, où les aspirations collectives ne sont pas freinées, où les gens apprennent en permanence comment apprendre ensemble ». Cette définition de l’organisation apprenante, formulée par Peter Senge, met en évidence l’importance de développement de la connaissance à l’entreprise. Ainsi, un apprentissage organisationnel fondé sur l’innovation et la créativité permet de favoriser la fidélisation en se basant sur 4 styles d’apprentissage (Yeung et al., 1999) :

- L’expérimentation, qui vise la création de nouveaux produits ou processus en testant de nouvelles idées imaginées en interne ;

- L’acquisition de compétences, qui sert au même objectif en faisant plutôt appel à des recrutements, des alliances ou des consultants ;

- Le bencmatking, à partir duquel l’entreprise cherche à améliorer son offre ou ses processus en s’inspirant des pratiques performantes des autres entreprises ;

- L’amélioration continuelle, qui vise l’optimisation de l’existant en s’appuyant sur l’écoute des clients et des employés.

Selon Yeung, Ulrich et Stephen, Le passage d’une organisation classique à une organisation apprenante se base sur six composantes clés :

- La structure et le mécanisme de coordination : Il s’agit de favoriser de créer des équipes multifonctionnelles et d’assurer la libre diffusion de l’information, hors des voies hiérarchiques.

- Méthodes de travail et processus : Il s’agit d’améliorer les conditions de travail et de favoriser le partage et la bonne circulation de l’information.

- Leadership : il s’appuie sur la formation des leaders au coaching et des personnes capables d’aider leurs équipes à réussir et à atteindre leurs objectifs.

- Culture d’entreprise : Il s’agit d’instaurer une culture propre à l’entreprise fondée sur l’importance de l’apprentissage sur la performance individuelle des individus et ainsi sur leurs équipes.

- Compétences : l’organisation apprenante favorise la rotation du personnel entre postes et suit de façon continue le développement de leurs compétences.

- Pilotage des performances : dans l’évaluation des performances, il s’agit d’inclure la capacité d’apprentissage comme critère de mesure en se basant sur multiples intervenants (pairs, clients, fournisseurs, ...).

Fidélisation des ressources humaines et Implication :

Actuellement, l’attention des entreprises se porte beaucoup sur la façon de forger un type de contrat nouveau avec les salariés, transcendant l’échange transactionnel et sollicitant un pacte de type relationnel. En effet, l’ancien contrat, de type paternaliste, où l’employeur s’engageait tacitement, voire même explicitement, à assumer le rôle de protecteur a fait long feu (Neveu et Thévent, 2002). Ce que Kissler (1994) appelle le « nouveau contrat » se caractérise par l’impossibilité économique de garantir l’emploi sur le long terme, ou de prendre en charge façon « clefs en main » la carrière et les promotions des salariés. De ce fait, employeurs et salariés ont convenu d’un autre type de contrat psychologique où la prise en charge de est a priori flexible et la mobilité du salarié reconnue (Neveu et Thévent, 2002). Dans cette situation, l’ « achat » d’une implication ainsi soumise à la concurrence, peut révéler aussi cher que vain (Freese et Schalk, 1996).

Afin de surmonter ce défi et gagner l’implication des salariés les plus sensibles pour l’avenir de l’entreprise dans une perspective de fidélisation, il s’agit notamment d’individualiser et segmenter les pratiques RH sur la base d’une indentification précise des collaborateurs stratégiques et clés pour l’entreprise.

Une telle segmentation des pratiques RH implique une adaptation spécifique à chaque collaborateur fondée sur un certain nombre de piliers d’intervention :

1. Clarifier la proposition de valeur : la disparition du contrat e fidélité réciproque entre l’entreprise et ses salariés nécessite une clarification des attentes de chacune des parties pour pouvoir favoriser la qualité de recrutement, minimiser le risque de conflits et de frustration liés à des attentes déçues et guider l’attitude des salariés.

2. Adapter le recrutement : la phase du recrutement est un enjeu majeur pour l’entreprise pour communiquer son « offre de valeur » aux candidats.

3. Aider les salariés à gérer leurs carrières : la responsabilité de l’évolution du salarié est du ressort de lui-même. Cependant, l’entreprise peut lui apporter un soutien dans une optique de motivation et d’implication en passant par trois types d’actions :

- Favoriser la mobilité interne : les salariés deviennent plus fidèles si leurs entreprises leur permettent de renforcer continuellement leur valeur sur le marché du travail. Par conséquent, un salarié performant qui se sent bloquer n’hésite pas à changer son entreprise pour le risque de stagner professionnellement.

- Assurer un feedback complet et régulier sur le développement de chacun : l’entreprise peut aider chacun à piloter son évolution professionnelle en instaurant un système de feed-back régulier permettant à chacun de se positionner selon les compétences requises pour les différentes types de postes.

4. Cibler la formation : les proposition des entreprises aux salariés en matière de formation destinée à développer leur niveau général de compétences deviennent de moins en moins justifiées à cause du coût élevé et des résultats mitigés en terme de fidélisation. Pour cet objectif, il s’agit de se focaliser plutôt sur une formation portant sur un problème concret et en rapport immédiat avec l’amélioration des performances.

5. Rémunérer les performances : le système de rémunération au mérite souffre de certains problèmes car il ne permet de s’attacher les meilleurs et il n’indexe le salaire que sur la performance passée, introduisant ainsi des distorsions entre la valeur actuelle procurée par le salarié et celle qu’il reçoit de l’entreprise. Ainsi, il s’agit de procéder par trois types d’interventions :

- Découpler compétences et performance : la rémunération de l’entreprise doit être indexée sur les performances immédiatement observées chez le salarié. Cela implique un système de rémunération à deux volets : un salaire de base qui correspond au niveau des compétences et un bonus lié à la performance immédiate, ce qui permet à chaque collaborateur de se rapprocher de la valeur du marché tout en offrant une souplesse nécessaire pour motiver et récompenser la performance.

- Diversifier les mécanismes d’incitation : une étude du cabinet Mckinsey a mis en évidence les limites du recours aux récompenses de nature financière pour promouvoir un équilibre entre efficacité opérationnelle présente et qualité de la contribution à l’avenir. Ainsi, il s’agit, pour l’entreprise, de diversifier ses mécanismes d’incitations de nature non financière comme : l’accès à des responsabilités, des tâches intéressantes, des opportunités de développement personnel, des participation au capital, etc.

6. Adapter l’organisation du travail : l’organisation du travail peut constituer un levier de motivation et de fidélisation des salariés et par conséquent un moyen de faire face à la rotation du personnel.

Il s’agit ainsi de veiller à l’attrait du travail pour les collaborateurs clés et de s’organiser pour minimiser l’impact d’un taux élevé de rotation par le développement de la flexibilité et de l’employabilité des salariés et la mise en œuvre d’un système de gestion des connaissances (knowledge management).

L’approche du système complexe de la problématique de fidélisation des RH :

Afin de réussir son processus de transformation fondé sur une approche d’apprentissage organisationnel et d’implication forte des collaborateurs, la gestion des ressources humaines doit refléter une dynamique interactionnelle entre ses différentes activités opérationnelles.

Jadis, la gestion des ressources humaines se présentait comme un éventail d’activités juxtaposées, sans référence à une vision d’ensemble, pour répondre aux demandes ponctuelles des responsables des opérations dans les entreprises. De plus, le caractère d’interdépendance inhérent à cet éventail d’activités échappait tant aux théoriciens qu’aux praticiens du domaine. Une telle absence de coordination d’activités rendait difficile la reconnaissance et la réalisation d’objectifs communs pour une utilisation efficace et un traitement équitable des salariés à l’emploi favorisant la fidélisation et la mobilisation.

Cependant, avec la complexité de l’environnement de l’entreprise et la dynamique de ses différentes variables ainsi que l’introduction de l’automatisation des procédés de fabrication (lignes d’assemblage, de montage, procédés en continu) et la diffusion intensive des sciences des organismes vivants et de la cybernétique, les notions de système furent déterminantes dans notre façon d’accéder à une vision globale et intégrée des organisation et des personnes qui les composent.

La notion de système renvoie à une de ses composantes 

les ressources. La personne humaine apparaît donc comme une ressource importante, ce qui explique en partie l’abandon de l’expression « gestion du personnel » au bénéfice de « gestion des ressources humaines ».

De façon très générale, la notion de système se définit comme une entité composée des parties différentes et interdépendantes, chacune contribuant à l’équilibre. L’approche systémique implique dans le domaine de la gestion des ressources humaines une prise en considération des différentes interactions des différentes activités de la GRH et leur aspect dynamique. Sur cette base, on peut regrouper les activités RH sous quatre onglets :

- La planification des ressources humaines : il s’agit de l’analyse des emplois et des qualifications exigées, la gestion prévisionnelle des emplois et compétences (GPEC), et l’analyse de l’environnement interne et externe de l’organisation.

- L’acquisition des ressources humaines : le recrutement, la sélection et l’accueil ;

- Le développement des ressources humaines : l’appréciation de la performance et du potentiel des personnes, la détermination des besoins de formation, l’élaboration des programmes de formation et l’évaluation ;

- La conservation des ressources humaines (rétention) : la détermination de la valeur relative des postes de travail, la mise en place de structures de rémunération, la gestion de la santé et de la sécurité au travail et la mise en place d’un système d’audit social.

La dynamique entre ces différentes activités ainsi que leur caractère d’interdépendance permettra à l’entreprise d’accroître la performance de ses pratiques ressources humaines et assurer ainsi la fidélisation de ses collaborateurs les plus précieux.

GRH au Maroc : état de lieu et perspectives

Aujourd’hui au Maroc, on commence à sentir une prise en compte des ressources humaines comme variable clé dans la stratégie de l’entreprise, et non plus comme un facteur générateur de coût, aussi l’entreprise commence à mesurer l’importance de l’implication de l’encadrement intermédiaire dans la gestion de ses ressources humaines.

Cette évolution des pratiques de la gestion des ressources humaines, peut être considérée comme une évolution naturelle fondée sur des pratiques historiquement et géopolitiquement « importées », mais aussi, imposée par le contexte économique mondial qui évolue avec une rapidité, qui ne laisse aucune chance pour l’entreprise qui n’instaure pas dans son organisation, une vraie gestion des ressources humaines bâtie sur l’efficacité et la réactivité.

Dans ce contexte, on constate la multiplication de politiques centrées sur un objectif de « gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences », incluant une approche qualitative du contenu des emplois et offrant aux spécialistes de la fonction RH un ensembled’outils modernes permettant de trouver l’équilibre entre besoins et ressources.

Etat de lieu :

L’enquête de cabinet DIORH sur la fonction ressources humaines au Maroc permet de préciser que : « jusqu’au début des années 90 la fonction était Cantonnée dans un rôle de gestion du personnel. Aujourd’hui, la fonction est déclarée comme stratégique. Voilà qui devrait satisfaire l’une des revendications majeures des responsables ressources humaines. Au cours des années 80 et 90, ces responsables réclamaient une reconnaissance de la fonction au même titre que les autres fonctions de gestion de l’entreprise et de ce fait intégrer les comités de direction ; c’est désormais un acquis : 92,4% des DRH des entreprises sondées font partie des comités de direction. Une tendance de reconnaissance de la dimension stratégique de la fonction qui semble se confirmer, du moins dans les déclarations d’intentions. Mieux encore, 94,3% des entreprises nationales et multinationales confondues affirment que la fonction est un acteur dans l’élaboration de la stratégie d’entreprise ; ce qui, a priori, en ferait un véritable partenaire d’affaires.

Par ailleurs, la fonction semble bénéficier d’un appui de plus en plus important des directions générales ; alors qu’en 2001, dans 67% des entreprises nationales et 37,5% de multinationales, les DRH déclaraient souffrir du manque d’appui de la DG ; en 2004, ce frein à l’évolution de la fonction semble atténué ; on le retrouve néanmoins dans 18,9% des nationales et 8% des multinationales ».

Défis :

Selon la même enquête, au Maroc, la fonction ressources humaines souffrent des problèmes suivants :

- Les effets de la crise financière sur l’efficacité sociale des entreprises ;

- Insuffisance des compétences

- Insuffisance des effectifs dédiés à la fonction

- Manque d’implication de l’encadrement

1- Insuffisance des compétences :

La difficulté majeure que rencontrent les DRH est l’insuffisance des compétences. Ceci est l’expression du décalage entre les exigences et les ressources qu’offre le marché. Ce qui n’est d’ailleurs pas le propre de la fonction, le marché souffre globalement de la rareté des compétences.

2- Insuffisance des effectifs dédiés à la fonction :

L’Insuffisance des effectifs est peut être liée à deux facteurs : la rareté des compétences RH sur le marché et la volonté des entreprises de maîtriser les coûts de la fonction RH en réduisant ces effectifs.

3- Manque d’implication de l’encadrement :

Le partage de la fonction n’est pas encore une réalité pour une bonne partie des entreprises, qu’elles soient nationales ou multinationales.

Perspectives :

La conscience accrue de la part des entreprises de l’importance du facteur humain dans leur compétitivité ainsi que la multiplication des formations favorisant l’adaptation du profil au poste, nous renseigne sur l’importance des perspectives en terme de développement des pratiques de la gestion des ressources humaines.

D’autant plus, les effets systémiques de la crise financière actuelle sur l’économie nationale qui viennent d’apparaître montrant ainsi que les entreprises nationales doivent impérativement s’adapter et remettre en cause le paradigme de la gestion des ressources humaines régissant leur domaine social et humain.

La SOMACA est un cas marocain qui a pu relever les défis de la mondialisation en rendant hommage à son potentiel humain par une panoplie de pratiques favorisant la mobilisation et la fidélisation.

Cas de la SOMACA :

La SOMACA ou la Société Marocaine de Construction Automobile est une société anonyme détenue à près de 80% par Renault (dont près de 72% par Renault sas et 8% par Renault Maroc), 20% par PSA.
Outre l’assemblage de Dacia Logan, la SOMACA assemble des véhicules Renault (Kangoo VP, Kangoo VU & Kangoo « 7 places »), et des véhicules PSA (Citroën Berlingo, Peugeot Partner).

Afin d’entamer les pratiques ressources humaines de la SOMACA et leur impact sur la fidélisation, il nous paraît d’ordre crucial la mise en revue des principales dispositions du système de la gestion des ressources humaines du groupe Renault qui représente la référence indéniable pour la SOMACA dans sa quête de parfaire son système GRH.

Les principales lignes directrices de la stratégie RH de Renault :

Les responsables de Renault déclare que : « l’Engagement et la compétence des collaborateurs de Renault sont la principale richesse de l’entreprise, celle qui garantit le succès de Renault Contrat 2009 et de tous les plans qui suivront ».

Renault contrat 2009 place la fonction ressources humaines au centre des préoccupations de la société et lui assigne trois priorités majeures :

- être vecteur d’un management de l’excellence,

- porter l’efficacité de la fonction RH au niveau World Class, en termes de coûts et de valeur ajoutée,

- mettre en place une gestion des RH homogène, cohérente et transversale au niveau mondial, au travers de politiques et de standards Groupe.

 Dans ce contexte, la politique Ressources Humaines est déterminante pour la performance durable du Groupe. Elle est centrée sur 3 axes stratégiques :

- motiver les femmes et les hommes, par la mise en place d’un management de qualité et d’un système de reconnaissance de la performance clair et efficace,

- contribuer aux performances du Groupe, en le dotant des compétences nécessaires, notamment à l’international, tout en poursuivant des gains de productivité,

- partager les valeurs de Renault avec l’ensemble des collaborateurs, facteurs de cohésion et de solidarité dans un groupe devenu mondial et multiculturel.

En 2007, les RH ont adopté une organisation à la fois locale, avec une présence sur le terrain au plus proche des collaborateurs et managers, et globale, avec des acteurs RH dédiés au développement des compétences et des carrières avec une vision internationale pour répondre aux besoins de l’entreprise.

Par conséquent, La stratégie RH de Renault s’articule autour les points suivants :

- Mettre l’élément humain au centre de l’organisation pour assurer et soutenir et la compétitivité ;

- Selon le programme compétences Renault 2009, il s’agit : « d’identifier et de construire les compétences nécessaires pour répondre aux engagements futurs et à sa croissance internationale » ;

- Considérer la direction RH comme un partenaire d’affaires au sein de la structure.

GRH et Fidélisation des RH de la SOMACA :

Hicham Aboulfath, responsable de développement RH à la SOMACA, précise que : « l’intégration de la dimension RH dans la stratégie de l’entreprise est aujourd’hui une nécessité reconnue. La direction générale sait que les structures et les Hommes peuvent donner un avantage compétitif à l’organisation ».

La stratégie RH de la filiale de Renault au Maroc, SOMACA, s’articule autour les axes suivants :

- Gestion de l’emploi et des compétences ;

- Développements humains et sociaux ;

- Amélioration des conditions de travail et de sécurité ;

- Informatisation de fonction RH ;

- Décentralisation de la fonction RH.

La fidélisation de ses ressources humaines est un enjeu majeur pour la société SOMACA et un processus basé sur deux piliers :

- La politique et les moyens de la politique :

Selon H. Aboulfath, responsable de développement RH à la SOMACA, la direction RH, pour qu’elle réussisse sa mission au sein de l’entreprise, doit inscrire à son activité une double dimension :

La première consiste à la mise en œuvre des outils disponibles en matière de maintien de cohésion sociale et d’épanouissement des collaborateurs. Ceci, précise le responsable du développement, passe par une communication transparente avec les partenaires sociaux et une bonne intégration des nouvelles recrues. Code déontologique, déclaration des droits sociaux, système d’information ressources humaines, ... sont, entre autres, les moyens déployés pour atteindre cet objectif.

La deuxième dimension, quant à elle, attribue une mission prospective au RH management. Il s’agit de réfléchir, à moyen et long terme, au développement des compétences et des carrières, en étroite relation avec la stratégie globale de l’entreprise. Ces prévisions sont essentiellement tirées des renseignements fournis par les bilans annuels d’évaluation individualisés.

-La proximité comme outils de management RH :

Il s’agit d’assurer un suivi régulier des équipes dans leurs activités quotidiennes, car gérer l’employabilité des personnes, c’est aussi connaître ces personnes et leurs aspirations.

A ce niveau, la SOMACA a décidé de jouer la carte de la proximité. Son système de gestion de proximité (RRHP), explique le directeur de développement RH, a pour vocation de favoriser une communication proche, directe et décentralisée entre le management et les équipes opérationnelles. L’objectif est de favoriser un développement équitable des compétences.

Ce principe appuie l’engagement de non discrimination, comme valeur fondamentale de la SOMACA.

« La non discrimination implique une équité de traitement reposant sur l’application des règles et de critères identiques pour tous, à toutes les étapes de la gestion des ressources humaines : embauche, formation, promotion, ... », Souligne la SOMACA dans l’énoncé de son approche RH.

Cette égalité des chances, revendiquée dans la stratégie globale, permet ainsi à chacun de se développer dans son métier, selon son implication, ses compétences et son talent. Dans cette perspective, le RH management offre un accompagnement personnalisé à chaque collaborateur. A cela concourent plusieurs actions qui vont du coaching à la coopération dans la gestion des situations complexes auxquelles vient s’ajouter une dimension éducative axée sur la formation et les actions de sensibilisation d’ordre sécuritaire.

Le groupe mène une politique sanitaire bétonnée : bilans biologiques et dépistages de pathologies (problèmes cardio-vasculaires par exemple), campagnes d’information et de formation sur l’ergonomie, le tabac, l’alcool, les drogues, l’hygiène alimentaire, ... conduisant à la mise en place, en 1998, d’un observatoire médical du stress, de l’anxiété et de la dépression.

Conclusion :

Dans un contexte de crise et d’amplification des changements engendrés par la globalisation, le changement du paradigme de la gestion des ressources humaines se trouve au centre des préoccupations des théoriciens que des praticiens de l’entreprise.

Les licenciements des salariés, les effets de la crise sur la santé financière des entreprises, les faillites, ... provoquent une transition radicale d’un emploi fondé sur la stabilité et le maintien du contrat psychologique vers une précarité des emplois accompagnée par une employabilité accrue de la part des salariés.

Ainsi, entreprises et salariés changent et se trouvent dans l’obligation de changer leurs pratiques en matière d’emploi et de l’animation de la vie sociale.

Vers un nouveau paradigme de GRH favorisant l’émergence de nouvelles pratiques de fidélisation et de rétention des meilleurs collaborateurs mines de performance et de créativité est une nécessité majeure puisque la pérennité de chaque entreprise est tributaire de sa capacité de transformation et d’adaptation afin de mener à bien sa mission humaine avant tout par la valorisation de son capital humain car il n’y a ni richesses ni forces que d’Hommes.

A ce propos, ce sujet s’avère plus complexe et à étendue large, ce qui nécessite un approfondissement plus pointu dont ce travail présente une réflexion qui devrait être plus poussée afin d’aboutir à une compréhension des différentes implications de la crise internationale actuelle sur les pratiques de fidélisation des collaborateurs les plus précieux au sein des entreprises industrielles.

Références :

  • Bouchikhi H., Kimberly J. R. (1999), « L’entreprise à la carte : un nouveau paradigme de gestion », revue internationale de gestion, volume 21, numéro 3 ;
  • Gosselin A., « la nouvelle société Domtar : une transformation impressionnante » (2002), revue internationale de gestion, volume 26, numéro 4 ;
  • Lembarek N. (2004), « organisation du travail et dynamique de l’apprentissage organisationnel dans les entreprises du secteur automobile au Maroc », séminaire doctoral du GDRI EMMA, université Nice Sophia Antipolis ;
  • Levin L., Rosse J., « Lutter contre la fuite des talents » (2001), édition Jossey-Bass ;
  • Matmati M. (2002), « les nouvelles formes d’organisation et les technologies de l’information et de la communication », groupe ESC, Grenoble ;
  • Neveu J. P., Thévenet M. (2002), « L’implication au travail », édition Vuibert, pp. 30-35 ;
  • Peretti J. M., « Tous DRH » (1996), Les éditions d’organisation, pp. 249-299 ;
  • Peretti J. M., « Gestion des ressources humaines » (1996), Les éditions d’organisation, 5ème édition, pp. 15-17 ;
  • Pitcher P., « jeter à la rue le talent et l’expérience » (1995), revue internationale de gestion, volume 20, numéro 3 ;
  • Pratte A., « quand les employeurs veulent le beurre et l’argent du beurre » (1997), revue internationale de gestion, volume 22, numéro 1 ;
  • Seignour A., Dubois P. L., « Les enjeux du marketing interne » (1999), revue française de gestion.
Article posté par

Mohamed SEMMAE
Etudiant chercheur
Ecole nationale de commerce et de gestion de Tanger - Maroc
msemmae@gmail.com

Ses autres articles :
De la gestion des risques à la gestion des risques financiers

Encadré par
Said BALHADJ
Enseignant chercheur et consultant RH
Ecole nationale de commerce et de gestion de Tanger - Maroc
sbalhadj@yahoo.fr