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Le pouvoir de l’information : réputation, surveillance et déstabilisation

mardi 25 novembre 2008

L’entreprise fait face depuis plusieurs années à de nouveaux types d’armes sur Internet. Aujourd’hui les rumeurs, les sites web contestataires, le cyberactivisme, les tentatives de déstabilisation, la désinformation, deviennent un moyen pour faire naître et amplifier des crises aux dimensions et aux formes inédites. Les virus et le vers ne sont plus les seuls soucis des organisations.

D’une manière plus générale, lorsqu’on est un groupe à forte notoriété sur le Net, la société reste vulnérable pour plusieurs raisons :

  • Le positionnement des produits du groupe. Celui-ci implique des responsabilités en termes d’innovation, de performance et d’éthique des produits.
  • L’absence de relais d’opinion sur le Net pour accompagner des messages de l’entreprise ou tempérer des attaques. Des fans clubs peuvent exister mais ceux-ci sont limités à des forums par nature indulgents vis à vis des marques. Si une crise devait voir le jour, elle le serait probablement en dehors des lieux traditionnels de rencontre des habitués de la marque.
  • Perte de confiance des investisseurs du fait de critiques médiatisées.
  • Incapacité à protéger sa marque.
  • Départs de collaborateurs clés et planification inadéquate de leur remplacement.
  • Une communication non maîtrisée sur le Net et par conséquent à des rumeurs.

    Nous sommes passés de l’air de la « la plume contre l’épée » à celle du « clavier contre l’épée ».

    Pour mieux comprendre les enjeux informationnels d’aujourd’hui, nous allons présenter trois faits majeurs qui se sont déroulés en 2008 et qui représentent un exemple concret dans le domaine de la déstabilisation, de la désinformation et de la contrefaçon.

    Qui veut tuer Carrefour en Chine ?

    Commençons par un pays devenu incontournable dans le domaine de la veille et de l’intelligence économique : la Chine. Accusé de financer le Dalaï-lama et la révolte tibétaine, le géant de la grande distribution Carrefour a subis, en mai 2008, un important boycott de la part des chinois. Blogs et SMS ont foisonné dans le pays du soleil levant appelant la population à ne plus faire leurs courses chez Carrefour. Ce boycott a coïncidé avec le passage perturbé de la flamme Olympique à Paris.

    Pourquoi ce boycott ?

    Carrefour est présent en Chine depuis plus de dix ans avec 122 hypermarchés. Il y ouvre à peu près un hypermarché tous les 15 jours. Il y revendique 2 millions de clients par jour. L’implantation de Carrefour n’est donc pas récente. Pourquoi alors cette soudaine accusation et ce boycott. Les autorités chinoises surveillent Internet en général et la blogosphère chinoise en particulier. Il est logique de penser que les messages d’appel au boycott ont été rapidement détectés par les autorités et ont décidés de laisser faire. Par ailleurs, certains SMS d’appel au boycott proviendraient de l’étranger. Qui a donc intérêt à déstabiliser le n°2 de la distribution ? Des concurrents, des fournisseurs, des lobbyistes…Cette question restera ouverte.

    Boeing VS EADS : la communication d’influence

    EADS et Northrop Grumman ont remporté en mars 2008, un contrat d’achat par le Pentagone de 179 avions ravitailleurs pour l’armée de l’air américaine. Le montant de ce contrat s’élève à 35 milliards de dollars. Comme ont dit « Que le meilleur gagne ». Mauvais perdant, Boeing a tout de suite riposté en faisant appel de la décision du Pentagone.

    Le think-tank (organismes à but non lucratif engagés dans une réflexion, des débats ou des recherches, et qui proposent des solutions à caractère social ou politique) American le Center For Security Policy (CSP) a pris le relais en attaquant EADS à travers des compagnes de désinformation.
    Le Center For Security Policy est un Think Tank crée en 1988 par Frank Gaffney, Jr, ancien membre du département de la défense sous l’air Ronald Reagan. Il et basé à Washington et se focalise sur les sujets de sécurité nationale.
    Les premières attaques ont concerné la publicité d’EADS aux Etats-Unis qui mettait en avant des salariés Américains du groupe. Selon l’Ecole de Guerre Economique (EGE), le CSP reproche à EADS de masquer ses origines européennes en mettant en avant des américains et de prétendre ainsi être une entreprise Américaine. Le CSP accuse EADS par la suite d’espionnage contre les intérêts Américains. Enfin il accuse EADS de vendre du matériel au Venezuela qui est sous un embargo de matériels militaires. De telles accusations ne peuvent qu’éveiller le sentiment patriotique de décideurs militaires et politiques américains pour les pousser à revoir leur choix.

    Le Pentagone a confirmé l’annulation de l’appel d’offres qui repoussé à 2009. Cette annulation, explique le Pentagone, permettra à la prochaine administration de disposer d’une liberté totale.

    Voiture chinoises : plus vrai que le vrai

    Le modèle de voiture Shuanghuan CEO vous dit quelque chose ? Peut être que non, mais ce n’est pas le cas pour la constructeur BMW. En effet le constructeur Allemand accuse Shuanghuan sur son modèle CEO de copier sa gamme de 4x4 le X5.

    La société China Automobiles maintient son projet de commercialiser en France le 4X4 Shuanghuan CEO, la copie chinoise du BMW X5. Il a en effet obtenu, le 14 février 2008, l’autorisation de commercialisation sur le territoire français et européen. L’entreprise table sur 3000 véhicules par an à terme.
    En Italie c’est Mercedes qui attaque China Automobiles sur son modèle la Noble (rebaptisée Bubble ).

    Mercedes a en effet déposé plainte contre Martin Motors (l’importateur de la Bubble) au motif que c’est un clone de la Smart. Si cette voiture est commercialisée, elle sera vendue environ 7000€ en Italie. A noter par ailleurs que Martin Motors vend déjà le Shuanghuan CEO en Roumanie.
    Les entreprises doivent rester en surveillance constante de leur environnement qui ne se limite plus à leurs concurrents directs ou à leur langue de travail. Il faut avoir une vision pentagonale de ce qui se passe, de ce qui peut se préparer contre nous, de ce que l’on dit et anticiper les crises éventuelles en s’y préparant. Les communiqués de presse et les attaques en justice ne suffisent plus.

    Rester vigilent et être prêt à l’offensive sont les clés de la stratégie à adopter pour rester compétitif, surveiller son patrimoine, protéger son information et contrer les attaques.

    Mounir Rochdi

    Article publié dans VeilleMagazine d’Octobre